om aum

Et si le souffle vocal devenait un outil de performance et de protection ?

Ecrit par Olivier BLASCHEK – temps de lecture 6 min.

Contexte : la sauvegarde opérationnelle selon le GTO

La sauvegarde opérationnelle, selon le [Guide de Techniques Opérationnelles], se définit comme :

« un ensemble de notions, de comportements et de techniques permettant aux intervenants … d’évaluer le risque, de se préserver et de soustraire un équipier (sauvetage du sauveteur) ou de se soustraire (auto-sauvetage) d’un danger réel et immédiat » [PNRS]

Autrement dit, ce guide impose que la préparation mentale, la maîtrise respiratoire et la vigilance ne soient pas simplement optionnelles, mais partie prenante d’une doctrine de sécurité opérationnelle.

Dans ce cadre, chaque intervenant doit pouvoir, même en situation extrême, gérer son stress, son souffle, son anticipation, pour ne pas créer un suraccident (bis-opération).

Le GTO insiste sur trois axes majeurs de la sauvegarde opérationnelle :

  1. Préparation physique
  2. Préparation opérationnelle (technique)
  3. Préparation mentale [PNRS]

C’est donc dans ce dernier axe que la pratique du OM / AUM se retrouve légitime, lorsqu’elle est pensée comme un outil de régulation respiratoire dans l’environnement ARI.


Le défi de l’appareil respiratoire isolant (ARI) & le rôle du souffle

En intervention, le porteur d’ARI est soumis à plusieurs contraintes :

  • Volume d’air limité : chaque respiration compte.
  • Charge mentale accrue : gestion des fumées, intentions d’attaque ou sauvetage, repérage.
  • Contexte stressant : thermostat thermique élevé, visibilité réduite, alerte permanente.

La gestion de l’air est donc mentionnée implicitement dans le GTO — même si ce guide ne détaille pas des techniques respiratoires précises, il assure que le binôme de sécurité et les renforts d’engagement doivent veiller à ce que la capacité d’air du binôme de secours soit suffisante pour l’extraction d’un équipier engagé [rescue18.com].

Dans le processus de sauvetage de sauveteur (TASSS), le GTO rappelle qu’un équipement d’air suffisant (pression élevée, réserve opérationnelle) est une condition nécessaire pour la manœuvre d’évacuation, car le binôme “sauveur” doit pouvoir intervenir, ramener l’équipier et encore avoir de la marge d’air [rescue18.com].

Autrement dit : sous ARI, la ventilation doit être maîtrisée — ni hyperventilation, ni respiration précipitée, ni gaspillages inutiles.


Le OM / AUM : outil de contrôle respiratoire dans la doctrine opérationnelle

Le OM, ou AUM, appelée « Méthode Reilly ou R-EBT (Reilly Emergency Breathing Technique) » [ici un résumé de la méthode, in English please] est une technique de respiration expiratoire vibrée.

Copie du GTO « sauvegarde opérationnelle »

Des études (Kjaergaard et al., 2020 / Singh et al., 2021) montrent que le “humming” nasal (proche du “M”) peut multiplier la concentration d’oxyde nitrique (NO) exhalé par rapport à une respiration nasale classique. Ce NO est un vasodilatateur respiratoire, améliorant les échanges gazeux et optimisant l’oxygénation cérébrale.

Sous ARI, où le volume d’air disponible est limité, chaque inspiration maîtrisée devient un acte stratégique.
Une respiration lente, contrôlée, vibrée — même mentalement simulée — permet :

  • une consommation d’air plus stable ;
  • une réduction des mouvements respiratoires inutiles ;
  • et une meilleure endurance physiologique et cognitive.

Ce que fait le OM physiologiquement

Quand tu chantes ou fais résonner le OM, tu engages une expiration lente et vibrée.
Cette vibration (au niveau du nez, de la gorge et du palais) provoque :

  • Une augmentation mesurable de la production d’oxyde nitrique (NO) dans les sinus (x15).
  • Une stimulation du nerf vague, via les vibrations du larynx et du diaphragme → activation du système parasympathique → baisse du rythme cardiaque, calme, recentrage.
  • Ce gaz agit comme un vasodilatateur et régulateur respiratoire, optimisant l’échange gazeux entre les poumons et le sang.
  • Une prolongation de l’expiration, donc un rapport inspiration/expiration favorable à la détente (souvent 1:2).

Proposition tactique : protocole “AUM tactique” pour porteur ARI

Voici un exercice adapté au contexte pompier :

Rituel “AUM tactique” (≈ 60 secondes)

  1. Inspire par le nez de manière douce (≈ 3 s)
  2. Expire mentalement un “OM” en le faisant vibrer intérieurement (+ de 6 s)
  3. Sens la vibration dans la zone nasale / poitrine
  4. Repose le souffle, puis répète 4 à 5 cycles

Intention opérationnelle :

  • Au lieu d’utiliser le Om ou Reilly lors d’une phase dégradée de gestion et d’économie d’air, utiliser celui-ci en début de mission.

  • Placer le système nerveux dans un état calme mais vigilant avant d’entrer sous ARI.

  • Donner au corps un “schéma respiratoire de référence” pour ne pas tomber dans l’hyperventilation lors des phases critiques.

Attention : ce protocole ne remplace pas les gestes techniques, mais vient en support mental et physiologique.

Photo : Adrien Quentric, SDIS 91. Cliquez ici pour son instagram


Validité & limites vis-à-vis du GTO

  • Le GTO Sauvegarde opérationnelle ne prescrit aucune technique respiratoire spécifique ; son champ reste la sécurité, les itinéraires de secours, l’anticipation du sauvetage de sauveteur, la continuité opérationnelle.
  • Cependant, il demande explicitement une préparation mentale aux intervenants, ce qui ouvre une légitimité pour intégrer des pratiques comme le OM / contrôle respiratoire [PNRS]
  • Il mentionne la nécessité que le binôme de secours ait une capacité d’air suffisante pour l’extraction (compatibilité ventilatoire) [rescue18.com].
  • Il faut rester prudent : tout protocole respiratoire doit être testé en condition d’entraînement avant toute application en intervention.

Bonus

En cas d’urgence : le « Skip Breathing »

Technique du “skip breathing” (respiration avec pauses)

Procédure :

  1. Inspirer normalement par le nez ;
  2. Marquer une courte pause (sans tension) ;
  3. Inspirer de nouveau ;
  4. Courte pause ;
  5. Expirer lentement par la bouche partiellement ouverte.

⚠️ Cette technique est réservée aux situations d’urgence, lorsque l’air devient critique.
Elle ne doit pas être utilisée pour améliorer les performances, mais uniquement comme technique de survie.

Même si elle paraît simple, elle demande une forte concentration mentale et doit être entraînée “à froid” avant d’être utilisée.


En conclusion

Issu du pranayama yoga, le AUM ici n’est pas un symbole religieux, mais un outil neurophysiologique puissant.
Sa pratique, même brève, avant l’engagement ou en phase de récupération, favorise à la fois l’économie d’air, la régulation émotionnelle, et la clarté décisionnelle.

Dans un milieu où chaque seconde et chaque inspiration comptent, le pompier qui maîtrise son souffle maîtrise son efficacité.


À retenir :

➤ Le AUM stimule la production d’oxyde nitrique (NO).
➤ Le NO améliore l’oxygénation et calme le système nerveux.
➤ Une respiration lente et consciente prolonge l’autonomie sous ARI.



Je suis Olivier BLASCHEK, sapeur-pompier professionnel depuis plus de 20 ans.

Professeur de yoga Hatha, Vinyasa et Tummo, également Préparateur Mental du SP et Praticien TOP.

Je vulgarise et élève nos connaissances du métier pour se préparer, performer et récupérer.

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